4 novembre 2010

Rattraper le soleil


Quand j'étais petite, au début des années 80, ma mère me laissait faire du vélo sur notre rue, toute seule. Même si elle n'en voyait qu'une partie de la fenêtre du salon. J'avais le droit d'aller d'un stop à l'autre, aller-retour. Je devais me "rapporter" aux 30 minutes à ma mère DANS la maison. Grand moment de liberté!
J'aimais particulièrement faire du vélo les jours ensoleillés avec passages nuageux. Ce que je préférais par-dessus tout, c'est lorsqu'un petit nuage cachait le soleil au-dessus de ma tête, mais que je voyais très bien qu'au bout de la rue, il faisait encore soleil. Une belle façon de comprendre le vent, me direz-vous. C'était nuageux au-dessus de moi et à quelques coups de pédale, il faisait soleil. Je me mettais donc à pédaler plus vite. L'ombre avançait en même temps que moi, toujours plus rapidement. Je ne rattrapais donc jamais le soleil, c'est toujours lui qui me rattrapait de derrière lorsque le nuage m'avait dépassé.

Je me souviens de dizaines et de dizaines de fois où j'ai tenté, en vain, de rattraper le soleil sur ma rue. Chaque fois, j'ai échoué.
Puis, un jour, j'étais trop grande pour faire du vélo d'un stop à l'autre. Et j'ai cessé d'y voir là un défi. J'étais grande, j'avais abandonné. En fait, c'était sans savoir que j'essayais autrement de rattraper le soleil.

La vie m'a amené bien des journées nuageuses, pluvieuses. D'autres journées ensoleillées, plusieurs journées avec des passages nuageux seulement. Des jours de tempête et des jours de grand ciel bleu. Mais je n'essayais plus de pédaler plus vite pour rattraper la ligne de soleil sur ma rue. Ça ne marchait jamais.

Puis, un jour, je l'ai eu. Je n'avais pourtant même pas essayé si fort. Je n'avais même pas remarqué la ligne mince entre l'obscurité et le soleil, sur ma vie, ce jour-là. Mais j'ai dû pédaler plus vite que lorsque j'avais 7 ans parce que je l'ai rattrapé, ce soleil. Pour me féliciter de cet exploit qu'on ne réussit pas très souvent dans une vie, on m'a même permis de le prendre dans mes bras et de le cajôler. On m'a dit qu'une fois qu'on l'attrapait, on pouvait le garder toujours avec nous. Qu'il brillerait, jour et nuit. Peu importe la température dehors. On m'a dit que c'était maintenant à moi de chasser les nuages qui risquaient de le cacher. De calmer les tempêtes qui risquaient de le faire disparaître trop longtemps. On m'a rappelé de ne jamais abandonner, le soleil est TOUJOURS derrière les nuages, même lorsqu'on ne le voit pas. Même si les nuages sont tellement noirs qu'on ne voit plus la lumière des rayons les transpercer.
Le soleil se couche chaque soir et se lève chaque matin. Chaque jour, à partir de maintenant.
J'en étais convaincue, à ce moment précis.

J'ai regardé dehors, il faisait noir. Il était 00h55. Une froide nuit de novembre. Et pourtant, j'avais chaud. Je n'avais pas envie de dormir. Le soleil brillait, dans mes bras.

Aujourd'hui, mon soleil a 7 ans. Il a brillé chaque jour depuis 7 ans. Parfois, il est plus gris. D'autres fois, il y a des averses devant mon soleil, parfois même des orages. Mais chaque matin, je le vois tout de même apparaître derrière les paupières qui s'ouvrent. Je m'efforce de me rappeler que même les matins où je ne le vois pas, il est là, juste caché derrière. Je m'efforce de me rappeler que parfois, encore, je peux essayer de pédaler plus vite pour le rattraper. Des fois, maintenant, ça fonctionne. Et pédaler plus vite que les nuages pour rattraper le soleil, c'est un des plus grands bonheurs de ma vie.

Mon soleil a 7 ans. C'est à elle que je dois montrer que oui, pédaler plus vite, un jour, ça va fonctionner. Qu'elle ne doit pas abandonner, jamais. Parce que ce qui lui paraît impossible à 7 ans, un jour, ça ne le sera plus. Que le soleil, elle n'a pas besoin de le rattraper. Il est toujours là. Au fond de ses yeux. Un jour, peut-être tiendra-t-elle sa portion de ciel dans ses bras, impossible de savoir. Mais elle trouvera toujours un rayon qui transpercera les nuages au fond de mon regard. Que jamais, je ne lui permettrai d'abandonner. Parce que j'ai eu la preuve, le 4 novembre 2003, que si on veut vraiment, un jour, on réussit.

Bonne fête ma belle doudoune d'amour! Tu es le soleil de mes jours, aujourd'hui et pour toujours.

5 commentaires:

Le papa de Doudoune a dit...

Je te l'ai dis des dizaines de fois mais je te le redis encore: Ta plume a vraiment le dons de me mettre à l'envers!

Bonne fête à notre Pitchounette d'amour!! :-D

Unknown a dit...

Moi aussi, je suis toute bouleversée...

Bonne fête à ta fille, mais à toi aussi, maman officiellement depuis 7 ans déjà.

Quelle belle allégorie! xx

Isabelle a dit...

quoi dire, après t'avoir lue ? La vie t'a apporté un superbe rayon de soleil (et puis un 2e après!).

Bonne fête, M. !

Francofun a dit...

Bonne fête à ton petit soleil! Je me souviens de ce soir où il ne faisait pas très beau, mais qui a pourtant vu naître une étoile très brillante...

Bon, on se voit quand???

mamanzen a dit...

Wow! J'ai des larmes plein les yeux! C'est magnifique, ton texte!!